Par le Cabinet Caring In-Spire Psychologue Annecy Psychothérapeute et Psychanalyste
Nous évoquons souvent le terme de « personnalité » au quotidien mais comment pourrions-nous la définir ? L’OMS (1992) définit la personnalité comme un ensemble de comportements, émotions et pensées étant propres à chacun. Elle permet de se caractériser soi, les personnes qui nous entourent et de nous adapter à notre environnement. Bien qu’il existe une base relativement stable et innée, elle évolue au cours de notre vie en relation avec les expériences que nous vivons. C’est pour cela que nous pouvons dire qu’elle est à la fois stable et dynamique.
Le développement d’un trouble de la personnalité
Lorsqu’une personne fait l’expérience d’évènements difficiles, elle adapte naturellement ses comportements et ses pensées. Cette adaptation a pour but de réduire les émotions négatives en lien avec la situation. Quand ces évènements sont répétés et durables, la personne apprend par la répétition que sa manière de s’adapter lui permet de moins souffrir.
Par le processus de renforcement négatif, les comportements sont maintenus. En effet, ils deviennent des stratégies d’adaptation propre à la personne. En découle des croyances, pensées et émotions qui deviennent relativement stables et qui vont construire sa personnalité. Dans les troubles de la personnalité les croyances et stratégies d’adaptation sont particulièrement rigides.
Bien que cette adaptation ait pu donner des avantages dans un contexte précis, elle peut devenir inadaptée. La personne adopte toujours le même type de comportements et croyances quelle que soit la situation. Les comportements et croyances génèrent une souffrance pour elle ou pour les autres. C’est alors que l’on parle de « trouble de la personnalité ». Il existe plusieurs troubles de la personnalité, cet article portera sur le trouble de la personnalité borderline.
La personne borderline a une instabilité affective importante
La personnalité borderline représente environ 2 % de la population. Ce trouble touche plus de femmes que d’hommes (Lateyron, J. & Dr Mathur, A., 2016).
La personnalité borderline se caractérise principalement par :
- une instabilité importante dans les relations sociales,
- une difficulté à contrôler ses émotions et ses pulsions,
- une mauvaise image de soi.
La difficulté à contrôler les émotions, se manifeste par de la colère dans les relations aux autres. La colère est exprimée par une forte agressivité. Associé à l’impulsivité, elle peut conduire la personne à l’automutilation et aux tendances suicidaires (Lieb, K., & al., 2004). L’instabilité émotionnelle se manifeste par des changements d’humeur fréquents et à une colère violente. L’impulsivité peut aussi affecter d’autres domaines de leur vie tels que :
- l’alimentation,
- les dépenses financières,
- une sexualité débridée et risquée,
- diverses addictions.
Les associations avec d’autres maladies psychiques sont fréquentes. Notamment la dépression, la boulimie et les addictions (CRF2, 2017). Cela rend le diagnostic difficile pour les professionnels de la santé mentale. Bien souvent, la prise en charge est réalisée pour d’autres maladies psychiatriques (par exemple la dépression ou des addictions). Celles-ci sont considérées comme causes principales de la souffrance alors qu’elles sont en réalité les conséquences du trouble de la personnalité.
Un autre symptôme rapporté par les personnalités borderline est le ressenti d’un grand vide intérieur. Celui-ci se traduit par une intolérance à la solitude et la peur constante de l’abandon. Cette peur est souvent à l’origine de leur colère intense.
Au sein de leurs relations, elles ont tendance à interpréter de nombreux comportements de l’autre comme un signe d’abandon. Ces interprétations erronées les conduisent à croire que leur entourage a des motivations cachées. Un incident anodin peut être transformé en catastrophe. En effet, elles se sentent facilement persécutés (Brain Research Federation, 2017).
La personne borderline a de fluctuations d’humeurs rapides et fréquentes
La personne peut exprimer sa peur de l’abandon par de la colère intense et soudaine. Ces fluctuations d’humeur rapides et fréquentes durant la journée sont déconcertantes pour leur entourage. Elles sont fatigantes et mènent souvent à des ruptures de lien ou un éloignement sur le long terme. Cette situation est très douloureuse pour la personne borderline. De plus, ces ruptures ne font que confirmer sa croyance selon laquelle elle sera toujours abandonnée dans ses relations. Ce cercle vicieux génère une grande souffrance et maintient les symptômes (Clarkin, J. F., Yeomans, F. E., & Kernberg, O. F., 1999).
Les fluctuations émotionnelles demandent beaucoup d’énergie pour la personne. Elles induisent des altérations de la concentration, de la mémoire, de l’interprétation visuelle et de la prise de décision. Ainsi, ce trouble représente un véritable handicap quotidien pour ceux qui en souffrent. Il affecte de diverses sphères de leur vie (Beaulieu, S. & Renaud, R., 2011).
Par ailleurs, bien que la personne ne soit pas déconnectée de la réalité, des épisodes de dissociation peuvent se manifester. Les états dissociatifs peuvent se décliner en dépersonnalisation et déréalisation. La dépersonnalisation et la déréalisation induisent un sentiment désagréable d’être observateur de sa vie. Ces états apparaissent dans des situations de stress intense, mais la rupture avec la réalité reste généralement de courte durée (Kernberg, 1984).
Traumatismes à l’enfance
L’adolescence représente une période charnière dans la construction de la personnalité. C’est au cours de cette période que les troubles de la personnalité se développent.
Actuellement, les causes de ce trouble ne sont que partiellement connues. Toutefois, la recherche a montré que ce dernier résulte de la combinaison de divers facteurs tels que :
- facteurs génétiques,
- facteurs biologiques,
- événements de vie difficiles dans l’enfance (abus sexuels, violences, les négligences, séparation précoce avec les parents…) (Lieb, K., & al., 2004 ; Lateyron, J. & Dr Mathur, A., 2016).
L’exposition à des traumatismes infantiles modifie le fonctionnement cérébral de l’Homme (Yates, 2004 ; Cook, 2005). En comparaison à d’autres troubles de la personnalité, la personnalité borderline a été plus fréquemment victime de traumatismes (Paris, J., 1996). Ainsi, il existe une forte comorbidité (association) entre la personnalité borderline et le Syndrome de Stress Post-Traumatique. La personnalité borderline ayant grandi dans un contexte d’insécurité, va développer des pensées et comportements pour survivre à ces événements traumatisants répétitifs et à cet environnement insécurisant. Cependant, ils seront inadaptés dans un environnement quotidien normal. C’est au début de l’âge adulte que la personne devient indépendante. Elle prend ses distances avec son environnement insécure. Ses modes d’adaptation et interprétatif restent inchangés. Elle ressent alors une souffrance dans son quotidien.
L’invalidation des émotions
Les fluctuations émotionnelles s’expliquent par l’invalidation des émotions de l’enfant par les parents.
C’est une négligence affective consistant à rejeter les sentiments d’autrui. Autrement-dit, les personnalités borderline se sont heurtées à des parents qui refusaient de comprendre et d’écouter leurs émotions. Cela se manifeste par la punition des émotions et un manque de soutien envers l’enfant. Les émotions nous permettent d’exprimer nos besoins aux personnes qui nous entourent. Par conséquent, il est important de pouvoir les verbaliser durant notre enfance ainsi que tout au long de notre vie. Un des rôles parentaux est de répondre à ces besoins notamment en écoutant les émotions de l’enfant. Cela lui permet un apprentissage de la communication de ses émotions et de leur régulation. Toutefois, ces personnes ayant été invalidées durant leur enfance n’ont pas appris à communiquer leurs affects. Ne pas avoir appris à comprendre et communiquer ses émotions peut induire des difficultés de régulation émotionnelle (automutilation, fluctuations émotionnelles, impulsivité…) (Eisenberg, Cumberland & Spinrad, 1998).
Ainsi, ce trouble se développe par une interaction entre la biologie de la personne, ses expériences de vie et son environnement. Un seul de ces facteurs de risque ne suffit pas pour faire émerger ce trouble.
Répercussions du trouble de la personnalité borderline sur l’attachement mère – enfant
Comme nous l’avons vu, le trouble de la personnalité borderline affecte la personne à plusieurs niveaux tels que : la cognition (pensées), les émotions, le contrôle des impulsions et les relations interpersonnelles. Ceux-ci sont particulièrement mobilisés dans la relation mère-bébé et sont importants pour le développement de l’enfant.
Les études ont montré que 11,5% de leurs enfants ont un risque de développer ce même trouble (Nigg et Goldsmith, 1994). Toutefois, il existe d’autres répercussions comme des troubles de l’attention et du comportement, des troubles anxieux et dépressifs, des pensées et actes suicidaires, une faible estime de soi et des difficultés de régulation émotionnelle (Weiss et al, 1996 ; Target ; 1997 ; Fonagy, 2004 ; Barnow et al, 2006).
Les répercussions sur le style d’attachement sont visibles dès les premiers mois de vie du nourrisson. Les bébés de mères atteintes de ce trouble ont un risque élevé de développer un attachement désorganisé se manifestant par une ambivalence entre la recherche de proximité et la mise à distance du parent. Ce sont des enfants anxieux craignant de reprendre un contact avec leur parent après une séparation malgré leur envie car leur parent est à la fois une source de réconfort et de peur (Wendland et al, 2010). Les comportements de l’enfant peuvent se reproduire dans d’autres relations à l’âge adulte par une alternance entre le besoin intense de proximité et la mise à distance soudaine pouvant devenir une souffrance pour la personne qui n’arrive pas à s’engager dans des relations stables et sécurisantes (Bowlby, 1979).
Enfin, ces enfants peuvent également développer un mode relationnel impliquant l’inversion des rôles avec le parent. L’enfant assume le rôle de parent pour son propre parent, impliquant une grande responsabilité et culpabilité pour l’enfant face à la détresse psychologique (MacFie et Swan, 2009). De plus, en raison de l’instabilité des relations, les personnalités borderline vivent souvent des relations conjugales instables pouvant exposer l’enfant à un conflit et/ou une discontinuité dans la garde parentale (Wendland et al, 2010).
Si vous rencontrez des difficultés en ce moment ; Si vous sentez que malgré des efforts, vous peinez à remonter la pente, n’hésitez pas à demander de l’aide auprès d’un professionnel de santé. Ils sont là pour vous aider.